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Derniers commentairesun article très intéressant à lire et fort bien instructif. bravo maître benao. vivement la suite!
Par OUATTARA, le 15.05.2016
merci maitrr pour cette eclairage affaire a suivre.
Par xong naba mariame, le 15.05.2016
merci pour cet éclairage. je suis vraiment dépité de la réaction de la cc. pr moi c'est le dernier refuge, le
Par Anonyme, le 15.05.2016
merci me pour cet éclairage. on ne savait plus à quel saint se vouer. heureusement que dans cette spirale il y
Par A.T, le 14.05.2016
tres edifiant. ça m'a permis de comprendre mieux et bien.je suis à present tres bien éclairé. merci maître. je
Par amed ibrahim, le 14.05.2016
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Date de création : 23.05.2012
Dernière mise à jour :
14.05.2016
11 articles
Notes sur la déchéance du député OUALI :
la candidature de Blaise COMPAORE aux élections de novembre 2010 devait –elle être validée?
Introduction
1. S’interrogeant sur l’état de la justice constitutionnelle burkinabé, à l’occasion des journées du Conseil Constitutionnel, courant 2009, Monsieur Luc Marius IBRIGA[1], se demandait : « le gardien du Temple en est – il un ? ». Un des membres dudit Conseil[2] qui co-animait la Conférence, avait dit à ce propos que l’interrogation du Professeur était provocatrice, avant de concéder que la lecture critique sur le Conseil Constitutionnel devrait amener celui-ci à améliorer son activité juridictionnelle et républicaine.
2. Plus d’un an après, l’interrogation demeure et se transforme par moments en un problème qu’il faut absolument résoudre.
En effet, le Conseil Constitutionnel burkinabé a fait parler encore de lui depuis sa Décision n°2010-015/CC du 15 juin 2010 sur le mandat d’un député, Louis Armand OUALI.
3. En l’espèce, le sieur OUALI Louis Armand a été élu député en 2007 sous la bannière d’un parti politique dénommé le RDB[3] pour un mandat de cinq ans. En 2009, le législateur, par une loi du 30 avril[4], a prescrit que « tout député qui démissionne librement de son parti ou de sa formation politique en cours de législature est de droit déchu de son mandat et remplacé par un suppléant ». Courant mars 2010, le député sus nommé s’est retrouvé dans le bureau d’un autre parti politique, l’UPC[5]. Le 24 mai 2010, le Président de l’Assemblée Nationale saisissait le Conseil Constitutionnel afin de s’entendre « constater et prononcer la déchéance » du député OUALI Louis Armand. Le 15 juin 2010, le Conseil fera droit à cette requête du Président de l’Assemblée Nationale, par la décision sus évoquée.
4. Cette décision, au-delà des commentaires politiques légitimes qu’elle suscite ça et là, soulève des questions juridiques intéressantes. C’est notamment le point sur la compétence du Conseil constitutionnel et le principe du contradictoire devant lui qui sont sans doute des questions de forme (I). L’on ne manquera pas de s’interroger aussi sur le sens et la portée de cette décision relativement à la question de fond dont le juge constitutionnel a été saisi (II).
I/- Sur la forme de la décision du Conseil Constitutionnel
5. Un adage bien connu des juristes veut que « la forme tient le fond en l’état ». Autrement dit, une décision n’est réputée valable au fond que si l’institution qui en est l’auteur a respecté pour autant les règles de forme prescrites par le législateur.
L’on s’intéressera ici à la compétence du Conseil (A) et au principe du contradictoire devant lui (B).
A. Sur la compétence du Conseil Constitutionnel
6. Lorsqu’elle est saisie d’une requête, toute juridiction ou institution doit d’abord se prononcer sur sa propre compétence, tant matérielle que territoriale.
L’on remarquera d’emblée que le Conseil Constitutionnel n’a pas vraiment satisfait à ce préalable. Plus exactement, il semble l’avoir tenté mais sa motivation sur ce point est sinon inexistante, du moins lacunaire. En effet, le Conseil Constitutionnel s’est contenté d’affirmer d’emblée, sans le démontrer, que sa saisine par une autorité habilitée, « pour connaître d’une question relevant de sa compétence est régulière ».
7. En vérité, cette appréciation de sa saisine, in limine litis, est, d’un point de vue procédural, critiquable. La raison en est que la question de la régularité de la saisine est une question de recevabilité. A ce titre, une telle question devait être abordée par le Conseil après qu’il eut apprécié et retenu d’abord sa compétence. Une juridiction de degré inferieur aurait adopté cette démarche que sa décision aurait été exposée à la censure d’une autre juridiction de degré supérieur.
8. Néanmoins, pour justifier sa compétence, le juge constitutionnel burkinabé déclare d’entrée de jeu que « les mandats conférés par le suffrage universel prennent fin avant leur terme dans certaines circonstances déterminées par les lois et règlements »et que « la constatation de l’existence de ces circonstances est une tache juridictionnelle confiée au Conseil Constitutionnel par les articles 43, 85 alinéa 2 de la Constitution du 11 juin 1991 et l’article 202 du code électoral ».
9. Mais cette tentative de justification de sa compétence par le juge constitutionnel n’est guère satisfaisante.
En effet, aucun des articles invoqués ne traite de la compétence du Conseil Constitutionnel à constater et prononcer la déchéance d’un député.
10. D’abord, l’article 43 de la constitution visé par le conseil est relatif à la vacance de la Présidence du Faso. A ce titre, l’on cherche vainement en quoi il pourrait fonder sa compétence sur cet article. A moins de croire que le Conseil a raisonné sur le fondement de l’adage qui veut que « qui peut le plus, peut le moins » ! Dans cette logique, on pourrait croire effectivement qu’étant donné qu’il est compétent pour constater la « vacance » de la Présidence du Faso, il devrait l’être aussi pour constater la « déchéance » d’un député. Mais cette analyse pèche, de toute évidence, car le Conseil devra peut-être s’apprêter aussi à prononcer la déchéance de tous ces conseillers municipaux, directeurs et autres tabliers dont les fonctions ne sont assurément pas «supérieures » à celle de Président du Faso. On le voit, cette démarche est extrêmement critiquable. Ce serait d’ailleurs à tort que le juge procède ainsi car le procédé d’interprétation, au demeurant inédit, peut conduire à des conclusions peu heureuses en droit.
11. S’agissant ensuite de l’article 85 alinéa 2 de la constitution, il traite de la déchéance de droit du député qui démissionnerait librement de son parti ou de sa formation en cours de législature. Cet article n’indique nulle part l’institution compétente pour constater cette déchéance[6].
12. Quant à l’article 202 du code électoral, il dispose précisément que « Le député dont l’inéligibilité se révèle après la proclamation des résultats et l’expiration du délai de recours ou qui, pendant son mandat, se trouve dans l’un des cas d’inéligibilité prévus par le code électoral est déchu de plein droit de la qualité de membre de l’Assemblée nationale.
La déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Faso. En outre, en cas de condamnation définitive postérieure à l’élection, la déchéance est constatée, dans les mêmes formes, à la requête du ministère public. »
Cette disposition ne parait pas non plus propre à asseoir la compétence du Conseil. La raison toute simple est qu’elle fait allusion à la déchéance due à la survenance d’un cas d’inéligibilité ou à une condamnation définitive postérieure à l’élection.[7]
Or, le cas de Monsieur OUALI n’est ni l’un ni l’autre, si bien que le visa de cette décision est tout aussi critiquable.
Sur ce point en effet et à titre de droit comparé, il faut remarquer l’article 60 de la constitution sénégalaise énonce exactement la même règle que celle contenue dans l’article 85 alinéa 2 sus évoqué. Mais lorsqu’en juillet 2002, il a été saisi d’une requête aux fins de constatation de la déchéance d’un député qui avait démissionné de son parti, le Conseil Constitutionnel sénégalaiss’était déclaré incompétent[8] au motif que cela n’entrait pas dans ses attributions que de prononcer ou constater la déchéance d’un député qui a démissionné de son parti. Cette décision du juge sénégalais rappelle, au demeurant, celle du juge constitutionnel français en date du 06 août 2009[9]. Le conseil constitutionnel français, saisi d’une demande de constatation de la déchéance du mandat d’un député avait motivé sa compétence par ce qu’ « il appartient au Conseil constitutionnel de constater, en application de l’article L.O. 136 du code électoral, la déchéance encourue de plein droit par M. MASDEU-ARUS de son mandat de député du fait de l’inéligibilité résultant de la condamnation définitivement prononcée à son encontre ». Cette précision faite sur le fondement de sa compétence qu’il désigne comme étant l’article L.O.136 du code électoral laisse penser que le juge français, s’il était saisi d’une demande déchéance comme celle de l’affaire dite OUALI, il n’aurait retenu sa compétence que si un texte la prévoyait.
Il est à noter que le vide juridique sur la question de la compétence du Conseil Constitutionnel sénégalais à constater la déchéance d’un député démissionnant de son parti a certainement été à l’origine de réaménagements textuels qui ont consisté à insérer la disposition « anti-transhumance » dans le règlement intérieur[10] de l’Assemblée Nationale et à attribuer la compétence désormais au Bureau de celle-ci pour statuer sur la déchéance ou non du mandat d’un de ses membres. Ainsi, a été le cas de la déchéance des mandats des députésMoustapha Cissé Lô et Mbaye Ndiaye constatées en janvier 2009 suite à leur démission de leur parti.[11]Le ProfesseurIsmaila Madior Fall a analysé cette déchéance comme étant un précédent dangereux qui fragilise les députés sénégalais. Selon lui, cet acte « habilite les instances d’un parti à décider de la démission ou non du député. Il fragilise le député qui doit avoir la liberté de critiquer sa propre formation politique (…) la procédure de la déchéance n’est pas définie par le constituant et aucune voie de droit n’est offerte au député pour une éventuelle contestation de cette décision. Le Conseil constitutionnel est incompétent, car ce n’est pas dans ses prérogatives de statuer sur cette question. »[12]
Si la décision d’incompétence du juge constitutionnel sénégalais est compréhensible, il est à noter cependant que la solution sénégalaise ne parait pas satisfaisante, eu égard à l’insécurité voire « la censure » qu’elle instaure au préjudice du député, laissé en proie à son parti qui est libre d’apprécier sa démission ou non et au Bureau de l’Assemblée Nationale de décider à lui seul de la déchéance de son mandat.
La solution rwandaise ne parait pas plus intéressante a priori. La transhumance politique y est interdite sous peine de déchéance. A ce titre, l’article 69 in fine de la Constitution rwandaise dispose que « Tout membre du Parlement condamné à une peine criminelle par une juridiction statuant en dernier ressort est d'office déchu de son mandat parlementaire par la Chambre à laquelle il appartient, sur constatation de la Cour Suprême.
De même, chaque Chambre du Parlement peut prévoir, dans son règlement Intérieur, les fautes graves qui entraînent la déchéance du mandat parlementaire par la Chambre dont le Parlementaire fait partie. Dans ce cas, la décision de déchéance est prise à la majorité des trois cinquièmes des membres de la Chambre concernée. »
On remarquera qu’au Rwanda, c’est l’Assemblée Nationale qui statue sur la déchéance du député impliqué dans une transhumance politique. Cette solution n’est pas forcément satisfaisante dans la mesure où les critiques du Professeur sénégalais évoquées plus trouvent à s’appliquer au cas rwandais. Aucune voie de recours n’est en effet ouverte alors que le risque de voir ses collègues lui régler des comptes par un vote « mécanique » est grand pour le député.
Au Burundi en revanche, c’est le juge constitutionnel qui est expressément compétent pour se prononcer sur la déchéance d’un député démissionnaire de son parti. Il a eu à se prononcer sur sa compétence par une célèbre décision du 05 juin 2008[13].
13. En réalité, même si le juge constitutionnel burkinabé s’est gardé de le viser, c’est l’article 152 de la Constitution du 02 juin 1991 qui détermine la compétence du Conseil Constitutionnel en ces termes : « Le Conseil Constitutionnel est l’institution compétente en matière constitutionnelle et électorale.
Il est chargé de statuer sur la constitutionalité des lois, des ordonnances ainsi que la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution.
Il interprète les dispositions de la Constitution.
Il contrôle la régularité, la transparence et la sincérité du référendum, des élections présidentielles, législatives et est juge du contentieux électoral.
Il proclame les résultats définitifs des élections présidentielles, législatives et locales.
Le contrôle de la régularité et de la transparence des élections locales relève de la compétence de Tribunaux Administratifs ».
14. Le Conseil aurait-il pu fonder sa compétence sur cette disposition ?
L’on pourrait être tenté de répondre par l’affirmative.
En effet, le premier alinéa de cette disposition, en indiquant que le « Le Conseil Constitutionnel est l’institution compétente en matière constitutionnelle et électorale » laisse penser que cette institution est le juge de droit commun en matière constitutionnelle.
L’on se demanderait alors en quoi la constatation de la déchéance d’un député relèverait-elle de la matière constitutionnelle ? A cette question, d’aucuns répondraient que la déchéance étant prévue par une disposition de la Constitution, seul le Conseil devrait être compétent pour l’appliquer. Cette approche, si elle a l’avantage d’être pratique – en ce qu’elle permet au conseil d’être le juge aussi d’éventuelles exceptions relativement à des dispositions dont l’interprétation relève matériellement de sa compétence- n’est cependant pas exempte de critique. En effet, cette interprétation trop large comporte des limites sérieuses. Il n’est pas aisé de tracer les frontières de la matière qui serait constitutionnelle et de celle qui ne le serait pas. Par exemple, l’on ne peut valablement soutenir que la constatation d’un manquement aux droits à la vie, à la liberté d’association, à un environnement sain, à l’éducation ou la santé, … qui sont tous des droits consacrés par des dispositions constitutionnelles relèveraient aussi systématiquement de la compétence du Conseil Constitutionnel. Ce n’est donc pas parce qu’une situation est consacrée dans la constitution que tout litige y relatif ressortit de la compétence du Conseil Constitutionnel. Sinon, l’article 130 de la Constitution énonce, par exemple, que les magistrats du siège sont inamovibles. Pour autant, viendrait-il à l’idée du Conseil Constitutionnel de retenir sa compétence si n’importe quel litige portant sur l’inamovibilité d’un magistrat du siège était déféré devant lui ?
Donc, le Conseil n’aurait pas pu, somme toute, tirer valablement sa compétence de l’alinéa premier de cette disposition qui doit être interprétée de façon significative.
15. Il faut donc admettre que le bloc de compétence est celui défini aux alinéas 2 et suivants de l’article 152. Ces alinéas, loin de constituer de simples exemples, sont plutôt des énumérations explicatives dont le but est de compléter nécessairement l’alinéa premier. Aucun de ces alinéas ne saurait justifier la compétence du Conseil dans le cadre de la Décision rapportée.
16. Pareillement, si le Conseil s’est laissé attirer par la notion de « matière électorale », il n’en serait pas moins critiquable. La raison toute simple en est que les élections sont terminées depuis que l’Assemblée Nationale avait statué sur la validité de l’élection de ses membres, conformément à la Constitution[14].
17. D’ailleurs, l’on ne peut prétendre que la compétence du Conseil pour prononcer la déchéance d’un député de l’exercice de son mandat se déduirait de la compétence à lui conférée (le Conseil) pour contrôler la régularité des élections législatives ! En effet, pareil raisonnement serait absurde dans la mesure où les maires et préfets, compétents pour célébrer les mariages, ne sont nullement compétents pour prononcer les divorces ou pour annuler lesdits mariages.
Donc, il ne peut découler nullement de la disposition qui précède que le Conseil Constitutionnel est compétent pour prononcer la déchéance d’un député de son mandat et ordonner son remplacement.
18. Au demeurant, l’on aurait pu comprendre le Conseil Constitutionnel s’il s’était borné à donner un avis sur l’interprétation qu’il faut faire de l’article 85 nouveau de la Constitution. L’avis consiste, en effet, à donner la bonne lecture au requérant. Le Conseil a été d’autant très mal inspiré sur sa compétence que, le recours à lui étant extraordinaire selon la volonté de la loi elle-même, il n’aurait jamais dû ignorer que sa compétence doit être impérativement et expressément déterminée par un texte.
Le problème de la compétence du Conseil Constitutionnel pour connaitre de la déchéance d’un député qui a « librement démissionné » de son parti d’origine reste encore posé, en l’état actuel des textes en vigueur.
19. Pour autant, l’Assemblée Nationale aurait-elle pu délibérer sur la validité du mandat du député OUALI Armand Louis, en vertu de l’article 86 de la Constitution ?
Il semble bien que cela aurait pu être difficile à envisager. Ledit article prescrit, en effet, que « Toute nouvelle assemblée se prononce sur la validité de l’élection de ses membres nonobstant le contrôle de la régularité exercée par le Conseil Constitutionnel. » Or, il ne s’agissait pas, en l’espèce, de se prononcer sur « la validité de l’élection » du sieur OUALI Armand Louismais sur la « validité de son mandat », ce qui est totalement différent. L’Assemblée Nationale n’aurait donc pas été compétente pour délibérer sur la déchéance, encore que cela ne parait rentrer aucunement dans ces attributions légales.
20. D’aucuns[15] pensent que le Président de l’Assemblée Nationale ou le Bureau de ladite Assemblée aurait pu prendre une décision constatant la déchéance du député OUALI quitte à ce dernier de déférer cet acte parlementaire devant le Conseil d’Etat. Cependant, cette opinion parait très limitée et même insoutenable.
La première raison réside dans le fait qu’il n’entre pas dans les attributions du Président de l’Assemblée Nationale ni du bureau – contrairement à ce qui se passe au Sénégal- de constater ou prononcer la déchéance du mandat d’un de ses collègues[16]. Rien ne permet de penser ainsi ; pas même la simple logique ne peut porter secours à cette démarche. Si l’Assemblée Nationale ne le peut pas, son Bureau ne le peut davantage et son Président encore moins.
La seconde raison trouve son fondement sur la compétence du conseil d’Etat. Elle est ainsi déterminée : « le conseil d’Etat connaît en premier et dernier ressort des recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre :
- les décrets
- les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif.»[17]
Il est donc évident qu’une éventuelle décision du Président de l’Assemblée Nationale n’aurait pas pu être classée dans aucun des actes sus énumérés si bien que le Conseil d’Etat se serait certainement déclaré incompétent.
Il n’y a rien qui permette de rattacher un acte du Président de l’Assemblée Nationale à l’un quelconque des types d’actes sus énumérés.
21. Le Tribunal administratif n’aurait pas été davantage compétent, dans la mesure où les litiges relatifs aux actes parlementaires[18] (non législatifs) ainsi désignés sont tout à fait étrangers au contentieux de l’Administration et ne sauraient relever, en principe, de sa compétence. Ces actes parlementaires, sauf dérogation légale, sont voués à l’immunité[19] juridictionnelle[20].
22. La troisième raison qui explique que le juge administratif n’aurait jamais pu connaître de cette question est qu’il y a des questions de fond dont l’appréciation passait nécessairement par l’interprétation de l’article 85 nouveau de la Constitution. A ce titre, le juge administratif aurait, sans doute, décliné sa compétence dès lors que cette interprétation s’imposait à lui, car il n’est pas dans ses attributions d’interpréter des dispositions constitutionnelles. Tout au plus aurait-il opéré un renvoi préjudiciel devant le juge constitutionnel[21] afin que celui-ci interprète avant de lui renvoyer l’affaire pour toute suite éventuelle à donner au recours, si tant est qu’il existait une violation d’une loi.
Si, comme cela apparaît de ce qui précède, le juge constitutionnel a méconnu sa compétence, qu’en est-il alors du respect du principe du contradictoire devant le Conseil Constitutionnel burkinabé ?
B. La contradiction à l’épreuve de la justice constitutionnelle burkinabè
23. La contradiction désigne le débat préalable à la prise de certaines décisions. Elle exige que certaines décisions ne puissent intervenir qu’après que les personnes intéressées ou concernées ont été mises à même de présenter devant un tiers impartial, de façon égalitaire et utile, leurs points de vue et leurs arguments sur le sens de la décision à prendre. La principale illustration de cette règle demeure, dans les droits d’inspiration française, le « principe du contradictoire », dégagé par les jurisprudences administrative et judiciaire et applicable dans le cadre de la procédure juridictionnelle.
24. De plus en plus fréquemment cependant, la règle de la contradiction ne se limite plus au cadre juridictionnel dans la mesure où son champ d’application s’est progressivement déployé pour englober non seulement les procédures contentieuses non juridictionnelles[22], mais aussi, des procédures non contentieuses, préalables à l’édiction de décisions variées[23].
25. Les implications de la règle de la contradiction sont, elles aussi, en évolution, notamment sous l’influence de l’interprétation européenne des règles du procès équitable : l’exigence ne concerne plus les seules parties au procès ni les seuls arguments versés au débat par un adversaire mais, elle s’impose plus largement tant à l’ensemble des arguments susceptibles d’influencer la décision finale, que ces arguments soient versés au débat par une partie ou par un tiers impartial : exemple du juge soulevant d’office un moyen[24] ; commissaire du gouvernement ou procureur[25] défendant, en toute indépendance, un point de vue sur l’affaire.
26. L’on fait remarquer à juste titre que « la logique à l’œuvre dans le déploiement progressif de l’exigence de contradiction résulte de la conjonction de deux facteurs : d’une part, le contexte de relativisation des valeurs et de « crise de l’intérêt général », résultat du scepticisme de la société civile envers la capacité des pouvoirs politiques et administratifs à découvrir seuls le sens d’un intérêt général qui serait immanent ; d’autre part, la redécouverte de la fonction, certes classique, du débat, comme instrument de découverte, sinon de la vérité, du moins de la meilleure décision possible. »[26]
De ce point de vue, « la contradiction cesse progressivement d’être perçue comme un instrument de défense des seuls intérêts subjectifs en litige, pour se dévoiler progressivement comme un outil de qualité de la décision, desservant une fonction objective de régulation de la complexité. »[27]
27. Si le juge administratif est très regardant sur cette exigence qualifiée parfois de « sacro-saint principe » ( ?) par certains plaideurs, il l’est toutefois moins, voire rarissime au prétoire du juge constitutionnel. La situation y est vraiment déconcertante : l’absence de pratique de la contradiction est le reflet d’une ascendance de sa perception subjective plutôt que de sa fonction objective.
En effet, l’appréhension de la règle y demeure largement méconnue ou suspecte, si elle n’est simplement biaisée par l’utilisation de cadres conceptuels réducteurs, en particulier ceux du contentieux et des droits de la défense. On comprend pourquoi, le député déchu a dit ne guère comprendre comment le Conseil Constitutionnel peut le déclarer déchu de son mandat alors même qu’il ne l’a jamais entendu ni convoqué[28].
De ce point de vue, il est difficile de s’expliquer pourquoi le juge constitutionnel qui a statué sur une requête introduite par « une personne habilitée à le saisir » n’a pas cru devoir entendre le principal intéressé, alors que la mesure demandée tendait manifestement à lui retirer le bénéfice d’une qualité aussi importante que celle d’élu parlementaire.
28. On le sait, l’absence de la contradiction devant le juge constitutionnel n’est pas générale[29]. Si l’on peut essayer de comprendre, même sans en être d’accord, que le Conseil puisse rendre des décisions dans certaines procédures[30] sans entendre personne, l’on ne comprendra guère que cette pratique s’étende à toutes les procédures devant lui.
A titre de droit comparé, le principe du contradictoire quoique qualifié d’ « imparfait »[31] s’applique devant le juge constitutionnel français, en matière de contrôle de constitutionnalité des conventions internationales et surtout des lois ordinaires[32].
Certes, la pratique française comporte des insuffisances diversement appréciées[33], mais l’amélioration continue de la contradiction y témoigne de la reconnaissance implicite de son importance : la contradiction y semble effectivement perçue comme un instrument incontournable de légitimation de la décision du Conseil Constitutionnel.
29. Pour ce qui est du juge constitutionnel burkinabé, rien ne parait justifier, a priori, ce refus du principe du contradictoire qui tend dangereusement à être général et absolu. La contradiction doit être plus que jamais effective surtout pour une institution dont la dépendance est épiée par l’opinion publique ainsi que cela s’observe à l’occasion des rares décisions qu’elle a l’occasion de rendre J'aime3